15 mars 2024

Quels sont les projets d’énergie renouvelable propices à un avenir bas carbone et comment les soutenir ?

Le secteur industriel luxembourgeois opère actuellement sa transition vers les énergies renouvelables et doit relever différents défis, parmi lesquels les coûts élevés de l’électricité et la nécessité d’investissements infrastructurels. Le renforcement des capacités de production et la promotion de la réindustrialisation verte revêtent une importance cruciale pour l’économie. Nous nous sommes entretenus avec le Dr Gaston Trauffler, Responsable politique industrielle à la FEDIL, qui nous a livré ses éclairages et fait part de cinq conseils utiles pour nos lecteurs.

1. Quels projets et actions menés dans le secteur industriel contribuent aux objectifs climatiques du Luxembourg ?

Le secteur industriel luxembourgeois œuvre activement à réduire sa dépendance aux combustibles fossiles via l’adoption progressive de sources d’électricité renouvelable. Des investissements considérables ont été consacrés au remplacement du gaz naturel par l’électricité pour la production de chaleur. Selon le STATEC, en 2022, l’électricité représentait 48 % de la consommation totale d’énergie de l’industrie, soit une augmentation notable de 20 % par rapport aux niveaux observés en 2002. Ces dernières années, l’industrie a en outre mis en œuvre des initiatives d’autoproduction, notamment à travers l’installation de panneaux solaires sur les surfaces disponibles des sites de production. Ces panneaux ornent les toits des halls de production, les parkings en extérieur ou encore les façades des bâtiments orientés vers le sud, permettant l’utilisation in situ de l’électricité produite. Grâce à ces efforts concertés et l’optimisation continue de l’efficacité énergétique pour réduire la consommation d’énergie, les bénéfices environnementaux sont considérables. Selon la Commission européenne, le secteur industriel énergivore du Luxembourg, soumis aux mesures de tarification du carbone de l’UE (SEQE), est parvenu à une réduction remarquable de 61 % de ses émissions de CO2 par rapport aux niveaux de 2005.

2. Quels sont les principaux défis rencontrés par les entreprises dans la décarbonation de leurs procédés industriels à l’aide de l’électricité, et comment atténuer ces défis pour aboutir à un avenir bas carbone ?

L’électrification requiert bien souvent des investissements importants dans le but de moderniser ou de remplacer les infrastructures industrielles et les équipements de production en place : un processus de renouvellement qui peut se révéler coûteux et chronophage. Cela est d’autant plus vrai dans les industries lourdes telles que la sidérurgie, la production de ciment ou de verre, la fabrication de produits chimiques et les autres secteurs dont les procédés nécessitent des températures élevées.

Au-delà des investissements requis, un obstacle important à l’électrification est le coût opérationnel de l’électricité par rapport à celui des combustibles fossiles. En Europe, les prix de l’électricité sont plus de deux fois supérieurs à ceux du gaz naturel, source d’énergie préférée des industries en raison de son caractère rentable. Le coût plus élevé de l’électricité peut susciter des inquiétudes quant à la faisabilité économique de l’électrification des procédés industriels, en particulier dans les secteurs énergivores.

Pour éviter que l’industrie ne mette en pause sa transition énergétique, il est essentiel de fournir un accès à d’importants volumes d’électricité renouvelable ou à faible teneur en carbone, et ce, à des prix compétitifs. En substance, il est nécessaire que soit mise en place une tarification de l’électricité permettant l’électrification des procédés sans compromettre la compétitivité des entreprises. Dans sa réforme du marché de l’électricité, la Commission européenne a élaboré plusieurs instruments intéressants, auxquels le Luxembourg pourrait avoir recours pour aboutir à un prix de l’électricité attractif.

3. Comment le renforcement des capacités industrielles peut-il contribuer à la résilience et à la durabilité de l’économie européenne ?

Aujourd’hui, la décarbonation de l’Europe s’accélère – hélas – en raison avant tout de la désindustrialisation. Cependant, la désindustrialisation à l’échelle de l’Europe et du Luxembourg n’est ni économiquement durable ni respectueuse de l’environnement, à l’heure où certaines industries se délocalisent dans des pays aux réglementations climatiques moins strictes pour exporter les mêmes produits vers l’UE sur de plus longues distances, avec une empreinte carbone potentiellement plus importante.

À l’heure où l’Europe se demande si elle aura encore accès demain aux semi-conducteurs, aux batteries, aux cellules photovoltaïques, aux matières premières et à l’énergie nécessaire au maintien de sa croissance économique et à l’atteinte de ses ambitieux objectifs environnementaux, le renforcement de ses propres capacités industrielles et de production est devenu essentiel.

Souhaitons-nous nous limiter à un statut de « pays consommateur » ou aspirons-nous également à être un « pays producteur » ? Ce débat soulève des questions stratégiques sur l’autonomie industrielle et économique. Une dépendance excessive aux importations, en particulier vis-à-vis des produits et technologies critiques, peut rendre les économies vulnérables aux perturbations extérieures, telles que les crises politiques, économiques ou pandémiques.

En conséquence, le renforcement des capacités de production et des capacités industrielles en Europe s’impose aujourd’hui comme un impératif stratégique en vue de garantir la prospérité économique, la cohésion sociale et la sécurité. Grâce au développement des capacités de production locales, le Luxembourg peut réduire sa dépendance à l’égard des fournisseurs extérieurs, stimuler l’innovation et favoriser la création d’emplois, avec à la clé une économie européenne plus résiliente et durable.

4. Comment promouvoir la réindustrialisation verte ?

Tout au long de l’histoire du Luxembourg, l’industrie a constitué une pierre angulaire de l’économie, favorisant la prospérité et la croissance du pays. Aujourd’hui, le spectre de la désindustrialisation représente une menace tangible au niveau national, mais aussi de façon plus globale à l’échelle européenne. Pour faire face à ce défi, il est impératif que l’Union européenne et les décideurs politiques nationaux prennent des mesures décisives, ce qui exige une politique industrielle solide. Une telle politique doit faciliter la transition nécessaire de l’industrie en réponse à la crise climatique tout en préservant la compétitivité de nos entreprises.

Force économique petite mais dynamique, le Luxembourg doit cultiver activement un environnement permettant d’attirer, avec une plus grande aisance, les investissements innovants et une main-d’œuvre qualifiée. Une énergie disponible et abordable, des infrastructures robustes, la disponibilité et l’accessibilité des terrains industriels, une délivrance de permis efficace, la mobilité, l’accès à des logements abordables, une organisation du travail flexible ou encore le développement de nouveaux talents constituent autant de mécanismes essentiels pour préserver cet attrait et favoriser le rajeunissement ainsi que la diversification du paysage industriel.

5 conseils utiles

pour aboutir à un avenir sobre en carbone :

  1. Développer considérablement les sources d’énergies renouvelables et la production d’électricité à faible teneur en carbone : la réduction des émissions de carbone et l’abandon des combustibles fossiles reposent sur l’émergence de sources d’énergies propres, garantissant sécurité de l’approvisionnement et accessibilité financière.
  2. Adopter une attitude de neutralité technologique à l’égard des solutions climatiques : la neutralité technologique garantit la prise en compte et la mise en œuvre de toutes les technologies viables de réduction des émissions, plutôt que de favoriser des technologies données. Elle est synonyme de souplesse et d’innovation dans la recherche des solutions les plus efficaces.
  3. Mettre en place une tarification adéquate de l’énergie pour l’industrie : dans la mesure où la décarbonation des industries s’opérera par le biais de l’électrification, qu’elle soit directe ou indirecte (par exemple, hydrogène), il est essentiel de mettre en œuvre des mécanismes de tarification qui rendent l’électricité bas carbone financièrement intéressante pour les entreprises, en remplacement des combustibles fossiles.
  4. Développer la main-d’œuvre qualifiée et les talents dans le domaine des STIM : la constitution d’une main-d’œuvre experte en sciences, technologies, ingénierie et mathématiques (STIM) est cruciale pour stimuler l’innovation et contribuer à relever les défis de la décarbonation dans divers secteurs.
  5. Accélérer la réindustrialisation verte de l’Europe et du Luxembourg : il est vital, au nom d’un avenir durable, d’attirer de nouvelles industries locales qui soient capables de développer les technologies et de fabriquer les produits dont nous avons besoin pour réduire les émissions de carbone tout en favorisant la croissance économique. 

À propos du blog : 

 

Il devient urgent d’opérer une transition rapide vers une durabilité environnementale à l’échelle mondiale. Les entreprises et l'industrie ont d'énormes impacts sociaux et environnementaux. « Pourquoi est-ce important ? »  est un blog bimensuel qui vise à éclaircir ce sujet important à travers le regard de nos experts.


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