29 février 2024

Encourager une culture d'entreprise forte et adhérer à la réglementation sur les droits de l'homme

Pourquoi la culture d'entreprise est-elle fondamentale pour la conformité ESG (environnementale, sociale et de gouvernance) et en quoi donne-t-elle le ton en termes de comportement éthique et de pratiques commerciales responsables ? Nous avons échangé avec Anthony Smith-Meyer, Directeur exécutif de l'Institute for Financial Integrity and Sustainability (IFIS), sur son analyse et comment s'assurer qu'un employeur respecte le droit du travail et les droits de l'homme.

1. Anthony, en matière de gouvernance et de conformité, quels sont les principaux enjeux associés à l'approche ESG ?

Les composantes « environnementales » et « sociales » de la démarche ESG se rapportent aux « objectifs et impacts visés » évoqués précédemment. Une bonne décision ne se mesure pas uniquement à l'aune du bénéfice réalisé. L'objectif est de produire la valeur ajoutée promise aux clients et de générer ainsi des bénéfices. L’impact du « E » et du « S » concerne l'empreinte que souhaite laisser l'organisation pour y parvenir. Cette question doit être examinée comme un enjeu stratégique par le conseil d'administration et intégrée dans un cadre politique dont les décideurs doivent tenir compte dans leurs délibérations.

La gouvernance concerne la prise de décision, un cadre de gouvernance efficace permettra ainsi :

  • d'identifier les questions pertinentes et de les soumettre aux bonnes personnes,

  • d'examiner de manière adéquate toutes les réponses possibles à ces questions,

  • de veiller à ce que les décideurs aient accès à toutes les informations nécessaires pour aligner les solutions sur les objectifs et impacts escomptés,

  • de déléguer les tâches aux personnes disposant des moyens nécessaires à l'exécution de la décision,

  • de mettre en place un système de suivi et de reporting offrant contrôle des résultats, révision le cas échéant et responsabilisation.

C'est sur ce dernier point que la conformité entre en scène. Les instances de réglementation exigent que leurs objectifs soient intégrés dans le cadre politique de l'organisation et qu'ils soient accompagnés d'un suivi rigoureux et d'un flux d'informations à l'intention de la direction, du conseil d'administration et, finalement, des investisseurs.

2. Y a-t-il une relation entre la composition du conseil d'administration et la diversité au sein des entreprises soucieuses de mettre l'accent sur les questions ESG ?

Beaucoup pensent qu'un conseil d'administration homogène est plus efficace, et en termes de temps et de discussion, c'est effectivement le cas. Avec des participants partageant un profil et une expérience similaires, il est fort probable que chacun se mette rapidement d'accord sur une ligne de conduite à adopter.

Toutefois, plus la question sera complexe, moins cette efficacité sera grande. Une pluralité de compétences, d'expériences, de perspectives et de mentalités est nécessaire pour garantir un débat constructif et approfondi sur les choix stratégiques qui s'offrent à nous.

Par exemple, que se passerait-il au sein d'un groupe typique d'hommes issus de la génération des baby-boomers, aussi bien intentionnés soient-ils, si l'on introduisait des femmes de la génération Z ou des Millenials dans le cercle des décideurs ? Leurs priorités et leurs contributions seraient sans doute très différentes en ce qui concerne l'impact environnemental et les questions d'équité et de justice sociales. Je suis persuadé que ce nouveau groupe ferait des choix totalement différents.

3. En quoi consiste l'engagement auprès des parties prenantes en termes d'ESG ? Qu’est-ce que cela implique ?

Nous souhaitons que les parties prenantes de l'entreprise s'investissent dans les actions que nous menons. La réglementation européenne incite les actionnaires à s'impliquer davantage dans l'orientation de l'entreprise, son intégrité et son efficacité au regard des enjeux ESG. Certains investisseurs, comme p.ex. le Norwegian Government Pension Fund Global, indiquent clairement ce qu'ils attendent des entreprises dans lesquelles ils investissent, tandis que d'autres préfèrent simplement s'exprimer en vendant ou en achetant des actions de manière réactive. Il est essentiel de prendre le temps et de faire l'effort de dialoguer avec les actionnaires afin de veiller à ce que les attentes des deux parties soient comprises et satisfaites.

De nombreuses parties prenantes ont un impact sur la réussite à long terme. Un personnel engagé est plus productif et plus loyal. Dialoguer avec les fournisseurs et les distributeurs permet d'établir des partenariats plus stables et plus fiables. Enfin, le plus important est sans doute de comprendre les attentes des clients et de gagner leur confiance. Dans le but d'attirer et de fidéliser les clients, les activités marketing sont de plus en plus axées sur les « récits » qui décrivent l'impact de l'entreprise, de ses produits et de ses activités sur l'environnement et le milieu social.

Malheureusement, certaines entreprises pensent qu'il suffit de créer l'« illusion » d’un impact bénéfique sur les enjeux ESG. À moyen et long terme, le manque d'authenticité d’une entreprise se révélera et les conséquences sur la réputation et la fidélité de ses clients seront désastreuses, et ce en particulier auprès du segment plus jeune des « super-consommateurs » de demain.

4. Comment les banques luxembourgeoises se situent-elles par rapport au reste du monde en ce qui concerne la promotion d'une solide culture d'entreprise et pourquoi s'agit-il d'un aspect aussi fondamental de la conformité en matière d'ESG ?

Gérer la culture d'entreprise constitue un objectif stratégique crucial. Plus l'entreprise est grande, plus le défi est complexe, et plus l'entreprise est petite, moins il est courant d'accorder une importance stratégique à sa culture. L’objectif est d’avoir une culture au service des objectifs stratégiques de l’entreprise. Par exemple, quel degré de prise de risque ou d'expérimentation peut-on tolérer ?

Au sein d’un groupe bancaire les cultures des filiales ne peuvent pas diverger, leur gestion, leur contrôle et leur respect de la réglementation deviendraient impossible. Par conséquent, la culture stratégique est déterminée par la société mère. Chaque comportement, chaque performance, y compris l'engagement de l'organisation en matière d'ESG, est influencé par sa culture. Au Luxembourg, la plupart des banques sont affiliées à des sociétés étrangères. Spuerkeess et Banque Raiffeisen font figure d’exception. Ainsi, pour la plupart des banques luxembourgeoises, gérer la culture signifie se concentrer sur le respect d'une culture stratégique et d'un cadre politique décidés ailleurs. Les conseils d'administration des banques sous contrôle étranger ont un rôle à jouer dans la promotion et la protection de la culture qui sert le mieux l'entité luxembourgeoise, mais leur marge de manœuvre est très faible.

La situation de Spuerkeess est particulière. Appartenant à l'État, la banque doit préserver son indépendance de toute influence politique, tout en conservant son sens élevé des responsabilités quant à l'impact social qu'elle exerce au Luxembourg. Notée AA+, Spuerkeess est la première institution d'épargne du Luxembourg, ce qui exige intégrité et prévisibilité. C'est ainsi qu'elle se distinguera des autres banques de la place.

5 conseils utiles 

pour s'assurer qu'un employeur respecte le droit du travail et les droits de l'homme:

  1. Observez la façon dont sont traités vos collègues de travail et signalez tout signe de négligence concernant le bien-être des salariés.
  2. Vérifiez l'existence de politiques concernant le bien-être des employés ou les droits de l'homme, et observez si ces sujets sont abordés lors du processus décisionnel ; dans le cas contraire, exprimez-vous.
  3. Si la culture le permet, posez des questions et exprimez vos inquiétudes quant au respect des objectifs ESG établis.
  4. Suivez l'actualité. L'adage selon lequel « ça ne risque pas d’arriver chez nous », est un mythe. Aussi, lorsque les choses tournent mal ailleurs, mieux vaut regarder du côté de sa propre entreprise.
  5. Ne perdez pas de vue l'horizon et restez attentif à l'évolution des attentes en matière d'éthique observée ailleurs afin de conserver une longueur d'avance.

À propos du blog : 

 

Il devient urgent d’opérer une transition rapide vers une durabilité environnementale à l’échelle mondiale. Les entreprises et l'industrie ont d'énormes impacts sociaux et environnementaux. « Pourquoi est-ce important ? »  est un blog bimensuel qui vise à éclaircir ce sujet important à travers le regard de nos experts.


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