Quels sont les différents aspects de la banque responsable et les défis auxquels les banques sont confrontées ? Dans cette interview, Aude Payan et Elena Fuzzi, respectivement directrice et senior manager au sein du département Risk Consulting et en charge des services ESG pour les banques chez KPMG, livrent un éclairage détaillé et des exemples de stratégies innovantes grâce auxquelles les établissements financiers peuvent faire progresser les normes bancaires éthiques.
Test de résistance climatique de la Banque Centrale Européenne
Suite à l’adoption en 2015 de l’Accord de Paris et du Programme de développement durable à l’horizon 2030 des Nations Unies, les gouvernements progressent dans la transition vers une économie mondiale à faible émission de carbone et davantage circulaire. Cette transition présente des risques et des opportunités à la fois pour l’économie et les institutions financières, alors que les dommages physiques causés par le changement climatique et la détérioration de l’environnement peuvent avoir un impact prononcé sur l’économie réelle et le système financier. Pour la deuxième année consécutive, la Banque Centrale Européenne (BCE) a identifié les principaux facteurs de risques liés au climat dans la cartographie des risques réalisée par le mécanisme de surveillance unique (MSU) pour le système bancaire de la zone euro. En conséquence, dans le cadre des tests de résistance prudentiels de la BCE, celle-ci a décidé de mener pour la première fois un test de résistance climatique en 2022. Xavier Scholten, membre de l’équipe ESG et expert en matière de finance durable au sein de Spuerkeess, vise à démystifier le dernier test de résistance climatique de la BCE.
1. Xavier, quel est l’objectif du test de résistance climatique de la BCE ?
Le test de résistance climatique de la Banque Centrale Européenne (BCE) mené à l’échelle du secteur s’inscrit dans la lignée d’anciennes initiatives similaires qui avaient été réalisées par différentes institutions européennes et internationales, parmi lesquelles, la Banque des Pays-Bas (De Nederlandsche Bank, DNB), la Banque de France (BdF) et la Banque d’Angleterre (Bank of England, BoE). Malgré leurs similitudes, l’exercice mené par la BCE vise à améliorer les initiatives précédentes en introduisant d’importantes innovations en termes de données et de modélisation, puisqu’il s’agit du premier test de résistance climatique qui capture certaines interactions entre les risques physiques et les risques de transition. Le principal objectif du test de résistance climatique est d’évaluer la préparation des banques face aux chocs financiers et économiques résultant du risque climatique.
À cette fin, la BCE se réfère à différents scénarios climatiques qui ont été développés en collaboration avec le Network for Greening the Financial System (NGFS). Ces scénarios fournissent un ensemble de données sur le risque lié à la transition, le risque physique ainsi que les répercussions économiques et financières qui en découlent. Chaque scénario étudie un éventail différent d’hypothèses sur la façon dont évoluent les politiques futures relatives au climat, les tendances des émissions de gaz à effet de serre et les températures.
2. Pourquoi Spuerkeess a-t-elle pris part à ce test ?
Suite à la crise financière, le Conseil européen et le Parlement européen ont confié à la BCE des missions de surveillance prudentielle. La BCE a acquis ces tâches en complément de sa fonction en tant que responsable de la politique monétaire. La BCE supervise directement les 115 banques les plus significatives du système bancaire de la zone euro. En tant qu’autorité compétente, la BCE effectue chaque année des tests de résistance auprès des entités qu’elle supervise, et ce, dans le cadre du processus de contrôle et d’évaluation prudentiels. Spuerkeess fait partie du groupe des banques les plus significatives de la zone euro et prend part tous les ans au test de résistance de la BCE. Comme indiqué à la première question, cette année, la BCE réalise un test de résistance climatique prudentiel afin d’évaluer la préparation de Spuerkeess face au risque climatique.
3. Que pouvez-vous nous dire à propos de la méthodologie de ce test de résistance ?
L’exercice s’articule autour de trois modules différents :
(1) un questionnaire qualitatif sur les capacités internes des banques en matière de test de résistance climatique ;
(2) une évaluation de l’exposition des banques au risque lié à la transition (la durabilité du modèle d’affaires des banques et leur exposition à des entreprises présentant une intensité carbone élevée) ; et
(3) un test de résistance ascendant.
Afin d’assurer la proportionnalité de l’exercice, il n’est pas demandé aux banques de plus petite taille de fournir leurs propres prévisions relatives au test de résistance. Ainsi, en tant que banque de module 2, Spuerkeess est tenue de soumettre différents modèles de données contenant les modules 1 et 2, ainsi que les valeurs de départ du module 3. Le test de résistance climatique a officiellement débuté en juin 2021 avec la publication de la méthodologie et des modèles. La phase d’exécution du processus de collecte des données a commencé le 7 mars et comprend trois cycles de soumission. Nous sommes actuellement dans le troisième et dernier cycle et nous avons transmis les données finales au cours de la dernière semaine de mai. Par la suite, Spuerkeess recevra un rapport de performance individuel en juillet et la BCE devrait publier l’ensemble des résultats du test de résistance climatique global d’ici la fin du mois de juillet.
4. Jusqu’à maintenant, comment s’est déroulé ce test de résistance ? Actuellement, quels sont les points forts de Spuerkeess en la matière et quels sont nos axes d’amélioration ?
Le test de résistance climatique mené cette année étant le premier de ce type, par ailleurs il reste un exercice d’apprentissage qui ne se limite pas à une réussite ou un échec. Toutefois, Spuerkeess s’attend à ce que de tels tests de résistance climatique soient menés plus fréquemment à l’avenir. Nous pouvons d’ores et déjà tirer une première conclusion, puisque ces tests exigent de nouvelles données qui diffèrent des données traditionnelles relatives au risque financier et qui ne sont pas suffisamment disponibles aujourd’hui. L’un des principaux défis qui s’ouvrent à nous sera donc de collecter ces nouvelles données auprès de nos différentes parties prenantes dans les années à venir. Compte tenu du caractère relativement nouveau des tests de résistance climatique pour le secteur financier, nous nous servirons de cet exercice pour améliorer notre cadre interne en matière de test de résistance et renforcer notre gestion des risques environnementaux et climatiques. Spuerkeess vise notamment à approfondir davantage la compréhension de la Banque à l’égard de l’impact des risques climatiques liés à la transition sur les facteurs de risque traditionnels. En outre, nous avons pour objectif d’améliorer l’évaluation des risques climatiques physiques du pays et leur impact futur sur le portefeuille immobilier.