30 novembre 2022

Notre population vieillissante et comment relever les défis ?

Le vieillissement rapide des populations dans le monde et le déclin de la population en âge de travailler deviennent une préoccupation croissante. Afin de comprendre les enjeux et d'identifier les opportunités, nous nous sommes entretenus avec Kristell Leduc, Gaëtan de Lanchy et Thuc Uyen Nguyen-Thi du Liser.

1. Quel est l'impact de la structure par âge sur une société et quels sont les défis auxquels est confrontée une population vieillissante ?

C’est d’abord le changement de comportement dans la société qui a modifié la structure de la population (transition démographique). En effet, l’industrialisation et la croissance économique, l’amélioration des conditions sanitaires, alimentaires et les progrès de la médecine, ainsi que les changements de comportement des familles en termes de fécondité ont entrainé la baisse des taux de natalité et de mortalité.

Les progrès ont perduré et l’espérance de vie s’est encore rallongée tandis que la fécondité passait en dessous du seuil de remplacement de 2,1 enfants par femme. Les plus jeunes générations rétrécissent au fur et à mesure du temps alors que celles des plus âgées ont tendance à s’étendre. Le vieillissement démographique des populations continue, non sans conséquences et défis pour nos sociétés.

 

Assurer la viabilité des systèmes de pension et le financement des soins de santé constituent les défis majeurs les plus cités, mais d’autres questions émergent :

  • Comment remédier à l’augmentation du risque de dépendance des plus âgés ?
  • Comment gérer le changement dans les relations intergénérationnelles tant dans la sphère familiale, que dans la société en général ?

 

Un autre défi est d’anticiper le risque de pénurie de main-d’œuvre sur le moyen et le long terme dû au risque de renouvellement seulement partiel des générations les plus âgées dans la population active. Dans ce contexte, l’Union européenne a depuis les années 2000 inscrit le vieillissement actif dans sa stratégie pour l’emploi dont le but est de maintenir les travailleurs âgés en activité. La recommandation prévoyait, entre autres, l’augmentation de l’âge à la retraite et le relèvement du taux d’emploi des 55-64 ans. Dans les faits, les entreprises font face à des problématiques plus concrètes. En effet, elles doivent vouloir et pouvoir, en termes de rentabilité, maintenir en emploi leurs travailleurs âgés, sans que cela engendre des problèmes de santé et de stress pour eux ; ce qui ne peut aussi fonctionner que si ces salariés veulent rester en emploi plus longtemps et ce sans entraver leur santé. C’est donc au niveau de leurs politiques managériales de trouver les leviers les plus adaptés à leur situation et leur secteur d’activité.

2. Par rapport au reste de l'Europe, comment se situe le Luxembourg en termes de proportion d'âge et quelles sont les conséquences sur la population active ?

Si la part des jeunes de moins de 20 ans est quasi identique au Luxembourg (autour de 20%) à celle de ses voisins (France, Belgique, Allemagne), la part de personnes âgées de 65 ans et plus n’était que de 14,8% (20% dans les 3 autres pays) au 31 décembre 2021 (source : STATEC). Le Luxembourg dispose donc d’une population en âge de travailler légèrement plus importante, comme on peut le voir sur les différentes pyramides des âges dont la forme apparait moins rectangulaire.

Pyramide des âges au 31 décembre 2021 au Luxembourg, en France, Belgique et Allemagne

Source : Institut statistiques de chaque pays, calculs LISER

D’ailleurs, au 31 décembre 2021, l’âge moyen d’un résident du Luxembourg s’élevait à 39,7 ans alors qu’il dépassait les 41 ans pour les belges et les français et les 44 ans pour les allemands.

Cet écart est notamment dû à la composition de sa population qui compte 47% d’étrangers qui ont pour particularité d’être beaucoup plus jeune en moyenne que les Luxembourgeois. En 2016 déjà, la population étrangère était âgée en moyenne de 36 ans contre 41,6 ans pour les Luxembourgeois (source: STATEC). À titre de comparaison, en 2021, les immigrés représentaient seulement 10,3 % de la population totale en France (source : INSEE).

Concernant le marché du travail, le Luxembourg apparaît là-encore comme un cas particulier en Europe. Dans les 3 pays voisins, la population du territoire nourrit la population active, qui est donc directement impactée par le problème du vieillissement démographique.

Au Luxembourg, près d’un actif occupé sur trois est un résident étranger, et presque la moitié de la population active occupée vient des pays limitrophes (voir indicateur LISER).

De plus, ces deux groupes de main-d’œuvre avaient, dans les années 90 et 2000 pour particularité d’être plus jeunes par rapport à celle des actifs résidents luxembourgeois (voir indicateur LISER) ; ils ont donc joué un rôle essentiel dans le dynamisme du marché du travail luxembourgeois.

Ce phénomène a permis au Luxembourg d'atténuer les conséquences du vieillissement sur le marché du travail par rapport à ses voisins européens (Leduc, 2004). Cependant, ces travailleurs approchent également de la retraite et le répit dont disposait le Luxembourg par rapport au vieillissement démographique il y a plus d’une décennie semble donc consommé.

Au cours du dernier trimestre 2021, 25% de la population active étaient âgée de 50 ans et plus au Luxembourg, contre plus de 30% en France, Belgique et Allemagne (source : Eurostat).

3. Quels sont les enjeux et opportunités du Luxembourg à l’ère numérique ?

Les personnes âgées représentent un marché croissant pour les technologies digitales adaptées à leurs besoins.

La digitalisation dans la santé, le commerce, les services bancaires, l’apprentissage, ou la mobilité facilitent la pratique des activités quotidiennes des personnes âgées de manière indépendante. Les technologies digitales permettent aux personnes âgées de cultiver leurs interactions sociales et de moins éprouver un sentiment de solitude, notamment durant la pandémie du Covid-19.

Sur le lieu de travail, la digitalisation facilite les demandes évolutives en matière d'éducation et de formation tout au long de la vie, y compris en matière de compétences digitales. D’ailleurs le recours au télétravail lors du confinement du printemps 2020 a permis aux télétravailleurs de plus de 50 ans d’améliorer leurs compétences digitales.

Néanmoins, la transformation digitale peut générer des effets néfastes tels que la violation de la protection de la vie privée, l'obscurcissement de la transparence, l’atteinte à la dignité. Elle génère également des inégalités parmi les personnes âgées. Ainsi, les taux les plus faibles d'accès à la technologie sont concentrés chez les personnes âgées les moins riches, ayant un niveau d'éducation plus faible, notamment parmi la population féminine.

Un autre défi est la fracture digitale entre les générations. La peur de la compromission d'informations sensibles ou de la criminalité en ligne découragent les personnes âgées à utiliser ces technologies. Le manque de confiance dans la technologie est une raison souvent citée pour laquelle les personnes âgées ont tendance à avoir des compétences digitales plus faibles. Sur le lieu du travail, le manque de compétences digitales encourage la retraite anticipée et constitue un obstacle important à l’emploi.

À mesure que les sociétés progressent dans leur transformation digitale, la formation aux compétences digitales est une priorité politique essentielle. Ainsi, le Luxembourg a adopté, le plan d’action national d’inclusion numérique en septembre 2021 pour faire face à ces défis.

4. Comment la technologie peut-elle nous aider à répondre aux besoins des personnes âgées ?

Les technologies, plus particulièrement numériques, se sont insinuées dans notre quotidien et offrent une multiplicité d’usages, que ce soit pour les aspects administratifs, la gestion de ses comptes bancaires, les achats, le suivi médical, les activités ludiques ou encore, tout simplement, la communication et le partage avec ses proches.

Si les nouvelles générations utilisent quotidiennement les nouvelles technologies, les seniors, c’est-à-dire les 50 ans et plus, sont, quant à eux, souvent considérés comme déconnectés.

Mais est-ce une réalité ou un préjugé, alors que l’usage des technologies devient de plus en plus prégnant, voire incontournable, dans nos sociétés, que ce soit au niveau relationnel ou au niveau administratif et professionnel ?

Les données de la huitième vague de l’enquête SHARE (http://share.liser.lu/), réalisée en 2020, permettent de préciser si les seniors résidants au Luxembourg sont familiarisés, ou tout du moins, utilisateurs des technologies.

Au Luxembourg, 76% des 50 ans et plus utilisent internet que ce soit pour envoyer des mails, chercher des informations, faire des achats ou pour toute autre raison. Les seniors ont bien compris l’intérêt des outils numériques et les utilisent aussi bien dans leur activité que pour communiquer ou faciliter leur quotidien. Cet intérêt s’est, en particulier, renforcé pendant le confinement de la pandémie de COVID-19.

Cependant, l’usage du numérique décroit progressivement avec l’âge : 93% des 50-54 ans utilisent régulièrement internet, 84% des 55-59 et 70% des 60-64 ans, contre 34% des plus de 65 ans.

Ainsi, l’intérêt et l’usage des technologies sembleraient bien être une question de génération. Toutefois la question ne serait pas forcément liée à l’intérêt que pourrait présenter ces technologies pour les seniors, mais porterait plutôt sur leur capacité d’utilisation de celles-ci.

La part d’utilisateurs des outils numériques est nettement plus importante parmi les seniors encore en activité (94%) que parmi ceux qui sont retraités (76%) ou au foyer (71%).

L’activité professionnelle semble être une clé d’entrée dans le monde des technologies.

En effet, 75% des retraités utilisant les technologies en ont déjà eu usage lors de leur dernier emploi. A l’inverse, trois-quarts (73%) des pensionnés qui n’ont pas utilisé les technologies dans leur dernier emploi, ne les utilisent toujours pas aujourd’hui.

Ainsi, l’activité professionnelle a permis aux seniors de se familiariser avec les technologies et ces derniers continuent de les utiliser en raison de l’intérêt qu’elles présentent. À l’opposé, ceux qui restent en marge de l’usage des technologies déclarent disposer d’aptitudes informatiques acceptables ou d’une vague connaissance de ces outils. Ces derniers n’ont majoritairement pas été familiarisés avec les ordinateurs ou outils similaires. D’ailleurs, un sur deux de ceux qui n’utilisent pas les technologies (70% pour les plus de 65 ans) déclarent n’avoir jamais utilisé un ordinateur.

5. Quels sont vos cinq conseils utiles pour nos lecteurs qui souhaitent bien vieillir ?

Les 5 conseils utiles : 

1. Il n’est jamais trop tôt pour bien préparer son avenir avec des produits bancaires d’épargne, l’immobilier ou des placements financiers.

2. Être heureux au travail réduit le stress. N’oubliez pas vos formations, vos bilans réguliers et, si vous le désirez, préparez votre seconde carrière.

3. Pratiquez une activité physique de 20-25 minutes par jour afin de réduire les risques de certaines maladies, de maintenir une bonne qualité de vie, et d’augmenter votre nombre d’années vécues en autonomie et indépendance.

4. Les nouvelles technologies nous assistent dans nos tâches quotidiennes (e.g. fermeture des volets, extinction des lumières, verrouillage des portes).

5. Gardez le lien avec vos proches. Le téléphone portable et les appels vidéo peuvent être des moyens pour se sentir moins isolé.

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