Analyse economique Avril 2024
Rester investi : le bon plan
Les marchés ont entamé cette année 2024 sur les chapeaux de roues, les principaux indices boursiers touchant des performances à deux chiffres entre janvier et mars.
Les marchés ont été épaulés par un double effet positif : d’une part, la croissance américaine a continué de surprendre à la hausse, et d’autre part, la thématique de l’intelligence artificielle continue d’enthousiasmer les marchés, les retombées qu’elle promet sur la croissance et la productivité s’inscrivant dans le long terme.
Être investi a donc été bénéfique pour l’instant car les performances se révèlent notables non seulement sur les actions, mais aussi sur les matières premières telles que le pétrole, l’or, ou encore le cuivre.
L’obligataire, toutefois, reste en marge des actions car les remontées de taux ont pénalisé les investisseurs. Toute proportion gardée, ceci est normal. Lorsque les attentes de croissance fléchissent, les taux grimpent, sans pour autant que cela soit alarmant. Actuellement, les obligations profitent d’un niveau de taux élevé qui rappelle la fonction première de la classe d’actifs : délivrer un revenu fixe.
Si tous les yeux des marchés étaient rivés sur l’inflation depuis 2022, nous avons constaté que la croissance économique est redevenue le sujet central de ce premier trimestre.
Inflation
La trajectoire baissière attendue en début d’année reste centrale, malgré quelques obstacles.
En Zone euro, la désinflation se poursuit et le dernier chiffre en date indique une inflation annuelle à 2,4%. Alors que l’inflation sur les biens se situe à des niveaux confortables (<2%), l’inflation sur les services persiste à 4% depuis plusieurs mois. Ici, la question des salaires est essentielle. L’inflation sur les services étant intimement liée aux salaires, la poursuite du ralentissement s’impose pour atterrir confortablement vers la cible de 2%.
La situation aux États-Unis est un peu moins encourageante car les chiffres annuels stagnent autour de 3,5%, ce qui reste élevé par rapport à l’objectif de 2% et plus soutenu qu’en Europe. Alors que le Vieux Continent a l’avantage d’une économie en stagnation dans la lutte contre l’inflation, l’Amérique fait face aux difficultés qu’engendre une économie encore trop dynamique menaçant d’alimenter la hausse des prix. Aussi, l’inflation sur les services peine également à fléchir. Au vu de l’activité économique soutenue, la Réserve fédérale américaine (Fed) a aussi revu ses attentes d’inflation à la hausse, même si la plupart des prévisions envisagent un retour progressif vers 2% sur les prochains trimestres.
Ces chiffres d’inflation sont cruciaux dans la gestion de la politique monétaire des banques centrales.
En début d’année, un assez grand nombre d’analystes tablaient sur une désinflation plutôt facile et linéaire qui aurait dû ouvrir la voie à un nombre élevé de baisses de taux (autour de 6) pour la Fed et la Banque centrale européenne (BCE). Cela n’a pas été tout à fait le cas et la robustesse de l’inflation, ainsi que de la croissance (aux États-Unis) ont repoussé les attentes de baisses de taux. Aux dernières nouvelles, certains membres de la Fed questionnent tout bonnement la nécessité d’un abaissement des taux cette année.
La trajectoire d’inflation de la BCE s’avérant moins problématique, l’institution basée à Francfort semble dans une situation plus confortable pour délivrer les baisses de taux qu’elle laisse espérer depuis plusieurs mois. Si elle attend toujours des données sur les salaires, Christine Lagarde s’est
montrée ouverte à cette éventualité en annonçant entre les lignes que la BCE n’avait pas besoin d’attendre la Fed pour diminuer ses taux.
Le processus de normalisation de l’inflation est donc toujours en cours. Certes, il a ralenti et la question de l’inflation sous-jacente (excluant l’alimentation et l’énergie) est toujours présente, mais toutes les prévisions tablent sur une normalisation, c’est-à-dire un atterrissage du taux d’inflation. Il pourrait se faire à des niveaux supérieurs à 2%, la nouvelle norme pourrait se situer davantage près de 2,5% ou 3%, mais cela ne devrait pas affoler les marchés outre mesure.
Croissance
Le caractère exceptionnel de la croissance américaine continue d’impressionner. Ce qui était censé être un atterrissage en douceur de la croissance est devenu une réaccélération de la croissance. Avec une création d’emploi toujours soutenue, un taux de chômage au plus bas et une consommation toujours robuste, la croissance économique américaine continue de porter la croissance mondiale.
En Europe, les espoirs de reprise sont tournés vers la deuxième moitié de l’année après un premier trimestre encore en stagnation. Les fléchissements de taux que pourrait opérer la Banque centrale européenne (BCE) seront primordiales pour faire redémarrer l’activité, surtout dans le secteur manufacturier. Les difficultés économiques de l’Europe sont assez intéressantes par rapport aux précédents historiques. L’Allemagne est au cœur de la question car son modèle économique est basé sur la compétitivité de son industrie automobile face au défi de la voiture électrique et des coûts énergétiques. A contrario, les pays dits du Sud connaissent une phase de croissance plus prometteuse.
Dans l’ensemble, les attentes de croissance pour les États-Unis tablent sur un ralentissement progressif, sans sérieux soucis, alors que l’Europe devrait retrouver progressivement des couleurs.
L’élément géopolitique est également à considérer dans l’équation. Un embrasement généralisé du Moyen-Orient pourrait provoquer une hausse forte et durable du pétrole. L’augmentation du prix du pétrole sera susceptible d’avoir un effet négatif sur la consommation via la baisse du pouvoir d’achat et un effet négatif sur l’inflation, qui devrait in fine éloigner les baisses de taux.
Un autre élément déterminant déjà évoqué dans l’édition précédente du Panorama financier est la progression des salaires réels. En effet, nous avions prévu que la hausse des salaires couplée à une désinflation devait augmenter le pouvoir d’achat des ménages. Ceci s’est avéré juste, et nous continuons d’observer des chiffres de consommation robustes. Toutefois, la stagnation de l’inflation autour de 3,5% aux États-Unis n’augure rien de bon. Si cette désinflation ne se prolonge pas, cela risque de limiter le regain de pouvoir d’achat qui s’est réalisé. Autant dire que ce point est à suivre de près.