News Flash - Mars 2023 Flash spécial

Le contexte

La semaine du 6 mars, Silicon Valley Bank (SVB), spécialisée dans le financement du capital-risque, s’est retrouvée à court de liquidités : elle s’est vue contrainte de vendre l’équivalent de $21 milliards de bons du Trésor et lancer une augmentation de capital. Or, vendredi 10.03.23, la banque ne pouvait plus faire face aux demandes de retraits :

les autorités américaines l’ont déclarée insolvable et en ont pris le contrôle. Le régulateur américain a également pris des mesures pour protéger les dépôts des clients et s’assurer que ces derniers puissent accéder à leurs fonds.
Alors que les autorités ont également lancé le processus de vente des actifs de la banque, Janet Yellen a rejeté l’idée d’un sauvetage de la banque par le gouvernement. Les actions des banques ont alors dévissé lors des dernières séances avec des craintes de contagion sur tout le secteur. En même temps, la Signature Bank de New York ($89 milliards de dépôts) a été fermée par son autorité de tutelle.

Les mesures prises

Pour faire face au mouvement de panique engendré par la faillite de SVB, les autorités américaines (Trésor, Fed et FDIC (Federal Deposit Insurance Corporation)) ont annoncé des mesures destinées à éviter une panique bancaire. L’idée est de rassurer les agents économiques sur la solidité du système bancaire américain. Les autorités envisagent de garantir le retrait de l’intégralité des dépôts de la Silicon Valley Bank dont la grande majorité des dépôts ne sont pas couverts par la garantie traditionnelle de $250 000.

Surtout, le Bank Term Funding Program (BTFP) offrira des prêts d'une durée maximale d'un an aux banques, aux associations d'épargne, aux coopératives de crédit et aux autres institutions de dépôts éligibles.

Grâce à ce programme, il ne sera plus nécessaire de vendre rapidement les titres en période de stress car il suffira à couvrir tous les dépôts américains non assurés. La facilité est soutenue par le Trésor qui a apporté $25 milliards.

Par ailleurs, la fenêtre d'escompte qui permet aux banques d'accéder à des financements moyennant une légère pénalité reste « ouverte et disponible », d’après la Fed. Les régulateurs ont indiqué que tous les déposants de SVB auraient accès à leur argent lundi, de même que ceux de Signature, fermée par le département des services financiers de New York avant d'être placée sous le contrôle de la FDIC et mise en vente.

Ces dispositions permettent au système financier américain d’éviter le pire. Les garanties globales des dépôts devraient limiter la fuite des déposants.

Last but not least, les autorités financières ont véhiculé un message clé à travers la planète, à savoir que le système bancaire actuel n’est pas celui qu’il était en 2008, et qu’il repose sur des bilans plus solides.

La réaction des marchés et les implications sur la politique monétaire

Un violent mouvement risk-off s’est abattu sur les marchés depuis que la nouvelle a éclaté, plus précisément à la clôture des marchés européens jeudi. Depuis lors, les marchés actions européens et américains ont perdu près de 4%, accentuant un mouvement de fléchissement déjà en place aux États-Unis quelques jours auparavant. Sur le plan sectoriel, la Finance a été particulièrement affectée alors que les secteurs défensifs ont relativement mieux performé.

Un autre segment qui a su tirer son épingle du jeu a été l’or : il a gagné près de $100 l’once en quelques jours, en passant de $1800 à presque $1900.
Cela étant, les mouvements les plus remarquables ont été du côté des taux avec des chutes historiques sur les rendements obligataires de part et d’autre de l’Atlantique. En ce début de semaine du mars 13, les taux allemand et américain à 2 ans perdent 50 points de base, ce qui en fait une journée historique sur les marchés.

Ce vent de panique remet ainsi en question la capacité des banques centrales à continuer leur campagne agressive de remontée de taux.

Si la semaine du mars 6, les marchés estimaient probable un relèvement de taux de 50 points de base, seule une hausse de 25 points de base est désormais escomptée à l’issue des 3 prochaines réunions de la Fed. Aussi, on observe que les marchés s’attendent à nouveau à ce que la Fed baisse ses taux directeurs plus tard dans l’année. Cet événement et le pricing de marché fragilisent fortement la rhétorique récente de la Fed. De même pour la BCE, les marchés voyaient un taux terminal près de 4% la semaine du mars 6, actuellement, le taux terminal est à peine supérieur à 3%.

Le dilemme pour les banques centrales comme la Fed et la BCE est d’autant plus critique que l’inflation demeure un problème d’actualité : les derniers chiffres d’inflation ont encore surpris à la hausse le mois dernier dans un contexte où le marché de l’emploi est toujours trop dynamique.

Ainsi, même s’il est possible qu’elles ne changent pas radicalement la trajectoire de sa politique monétaire au vu de l’inflation, il ne faut pas écarter la possibilité que les mesures destinées à préserver le système bancaire dans l’ensemble ne prolifèrent. Ainsi, une politique monétaire fragmentée qui cherche à la fois à combattre l’inflation et à assurer la stabilité financière semble une possibilité.

Notre call sur les bancaires européennes

Nous pensons qu’un épisode similaire en Europe reste peu plausible. Le problème de SVB semble spécifique à son positionnement quasi exclusif sur une catégorie particulière de clients : les entreprises technologiques et startup américaines soutenues par du capital-risque et qui ont tendance à brûler leur trésorerie. Le ralentissement des investissements en capital-risque ainsi que la consommation de cash des clients de SVB ont dès lors mis sous pression les liquidités du groupe. Cette catégorie de clients n’est pas représentative de la base de clients des banques européennes. Par ailleurs, les autorités européennes limitent le risque que prennent les institutions financières du Vieux continent en fixant des ratios de liquidités très stricts. Le Liquidity Coverage Ratio (LCR), mesurant la proportion d’actifs très liquides détenus par une banque contre ses obligations à court-terme, doit toujours être supérieur à 100%. Actuellement, le LCR des grandes banques européennes s’élève à un niveau solide de 168% en moyenne. Dès lors, une vente forcée du portefeuille obligataire des banques européennes nous paraît peu probable.

A contrario, la faillite de SVB pourrait soulever des problèmes plus conséquents pour les startups et entreprises américaines se finançant via du capital-risque. Dans le secteur financier, les investissements privés (comme des fonds de private equity) exposés aux entreprises peu profitables de la Silicon Valley pourraient dès lors être mis davantage sous pression.

Notre positionnement GAA

Dans l’ensemble, nous pensons qu’un positionnement défensif est préférable dans un environnement complexe de ralentissement économique couplé à un mouvement de resserrement monétaire.

Certes, ce genre d’écueils est difficile à prévoir, mais leur probabilité de survenir se retrouve renforcée dans le cadre macroéconomique actuel. Il ne faut pas oublier que les banques centrales, par le resserrement monétaire, luttent non seulement contre l’inflation, mais corrigent également les excès financiers qui se sont formés pendant des années.

La lutte contre l’inflation n’étant pas terminée, il n’est pas facile de s’attendre à un changement complet de politique monétaire. Sur le plan économique, un regain de confiance rapide et un rebond durable et significatif ne font pas non plus partie de notre scénario central. En effet, rappelons que les banques ont globalement déjà resserré leurs conditions de prêt pour des raisons de politique monétaire. Actuellement, le risque est qu’elles ne perdent davantage d’appétit pour le risque compte tenu du mouvement de panique actuel.

Aykut Efe
Economist & Strategist
Spuerkeess Asset Management

Rémy Jacqmin, CFA
Portfolio Manager
Spuerkeess Asset Management