News Flash - Mai 2023 Flash spécial

L’inflation aux États-Unis

Le dernier rapport d’inflation fait suite aux décisions de politique monétaire des deux principales banques centrales de relever leurs taux d’intérêt de 25 points de base.  

L’inflation américaine continue de rester élevée. D’après le dernier rapport, l’inflation annuelle se situe à 4,9% en glissement annuel et l’inflation sous-jacente à 5,5%. Cette fois-ci, le consensus Bloomberg a vu juste : les chiffres sont sortis en ligne avec les attentes. 

Tandis que les prix de l’alimentation continuent de décélérer, l’énergie contribue toujours négativement à l’inflation pour le deuxième mois d’affilée et le logement a conservé sa place de plus grand contributeur. 

Cela étant, nous constatons qu’après avoir fléchi pendant plusieurs mois, les prix des biens réaccélèrent.

Pour rappel, l’inflation post-Covid avait notamment été portée par les biens. Actuellement, cette inflation s’est inclinée jusqu’à 2% en glissement annuel. Ce mois-ci, le prix des véhicules a réaccéléré, sans pour autant renverser la tendance baissière. 

L’inflation sur les services persiste, mais est aussi sur une récente pente baissière à 7%. Les services continuent d’être portés par le logement, lequel se situe toujours à 8% en termes annuels. 

Dans ce contexte, l’élément particulièrement positif a été le recul de l’inflation des services ex-logement, la mesure préférée de Jerome Powell. En termes mensuels, cette inflation a atteint seulement 0,1%, ce qui reflète une inflation salariale en retrait et peut également calmer les craintes quant à la rigidité de l’inflation. En effet, cette poche de l’inflation est censée être la plus rigide et la moins sensible à la politique monétaire. D’ailleurs, les banquiers centraux craignent depuis plusieurs mois qu’elle ne s’auto-alimente. Pourtant, cette inflation semble avoir aussi dépassé son pic. En glissement annuel, elle se situe à 5,1% contre près de 7% en septembre dernier. 

Il convient de souligner deux éléments positifs pour l’avenir. Tout d’abord, la désinflation sur l’alimentation devrait durer. Si l’on en croit l’indice des prix alimentaires des Nations Unies, l’inflation alimentaire mesurée par le CPI devrait se résorber au fil des mois. Ensuite, le coût du logement devrait également se retourner. D’après les indicateurs mesurant les loyers, les prix sur le marché s’inscrivent déjà sur une trajectoire baissière. Le retard méthodologique expliquerait donc cette différence entre ce qui est mesuré dans le panier d’inflation et ce qui est observé sur le marché. C’est pourquoi l’inflation du logement telle que mesurée dans le CPI devrait aller dans le même sens. 

Les banques centrales

La semaine passée a été marquée par les décisions des banques centrales de part et d’autre de l’Atlantique. 

La Fed et la BCE ont toutes les deux opté pour une hausse de taux de 25 points de base. Ainsi, les taux Target de la Fed se retrouvent dans la fourchette de 5%-5,25% et le taux de dépôt de la BCE se situe à 3,25%. En parallèle, la BCE a annoncé la fin des réinvestissements dans le cadre de l’APP à partir de juillet. 

La Réserve fédérale américaine a annoncé un nouveau relèvement de 0,25% de son principal taux directeur pour se glisser dans la fourchette de 5% à 5,25%. Il s'agit de la dixième hausse d'affilée et de la première depuis la récente crise bancaire. A présent, la Fed semble moins ferme sur l'avenir et précise qu'elle prendra le temps d’observer les effets des décisions passées avant de prendre d'autres mesures. Dans sa dernière allocution, Jerome Powell, le Président de la Fed, laisse entrevoir une pause dans la hausse des taux après un cycle agressif de remontées de taux. 

Dans l’ensemble, l'économie américaine montre des signes d'essoufflement, avec une croissance de 1,1% à l’issue du premier trimestre contre une attente à 1,9%. 

Ceci étant dit, la grande différence se situe sur le plan de la forward guidance. Alors que la Fed se dirige vers une pause, la Présidente de la BCE, Christine Lagarde, a fait savoir que Francfort ne s’apprêtait pas à marquer une pause dans ses hausses de taux et que la BCE n’était pas dépendante de la Fed. 

En effet, si la Fed peut se permettre d’attendre de voir sa politique monétaire impacter l’inflation progressivement, la BCE fait, en revanche, toujours face à une inflation sous-jacente plus problématique. Aux États-Unis, la progression des salaires via un marché du travail extrêmement serré commence à se retourner. Aussi, plusieurs indicateurs avancés qui suivent la progression des loyers montrent que la composante coût du logement de l’inflation américaine pourrait être un sujet moins sensible sur la deuxième moitié de l’année. 

En Europe, l’inflation sous-jacente reste au cœur du problème. Alors qu’elle a affiché un timide sommet le mois dernier en termes annuels (de 5,7% à 5,6%), la conférence de presse de Christine Lagarde révèle que la question n’était pas résolue. L'inflation dans la zone euro a légèrement grimpé en avril à 7,0%, dépassant faiblement les attentes, tandis que l'inflation sous-jacente a perdu 0,1 point de pourcentage pour atteindre 5,6%, montrant des signes de stabilisation. Certes, l'inflation alimentaire a décliné, mais les pressions sont restées élevées dans le secteur des services, où la croissance salariale récente pourrait avoir des conséquences plus lourdes. Cependant, combinée à une enquête peu encourageante sur les prêts bancaires, cette lecture a suffi à inciter la BCE à décider de ralentir le rythme des hausses de taux jeudi dernier. 

Aux États-Unis, les marchés obligataires s’attendent à des baisses de taux assez agressives sur la deuxième partie de l’année, laissant supposer que l’économie devrait entrer dans une période difficile. En Europe, les marchés sont d’avis que la BCE est également proche de la fin des hausses de taux, sans pour autant parier sur un fléchissement imminent. 

En somme, la trajectoire de l’inflation va dans le bon sens, notamment aux États-Unis. Pourtant, l’inflation campe à des niveaux élevés, ce qui ne justifie pas une baisse de taux imminente. Comme nous l’avons vu dans les derniers Lending Surveys, la politique monétaire restrictive devrait continuer de se transmettre via le canal du crédit. En effet, la demande de crédit de part et d’autre de l’Atlantique se retrouve affaiblie par le niveau des taux ainsi que la dégradation continue des conditions d’octroi de prêts.  

Aykut Efe
Economist & Strategist
Spuerkeess Asset Management